L’histoire des rois d’Angkor
Avant l’expansion de la civilisation angkorienne et des rois d’Angkor, l’Asie du Sud-Est était principalement une plaque tournante commerciale qui reliait la Méditerranée à la Chine. Les marchands indiens et chinois ont commencé à affluer dans la région, apportant avec eux leurs cultures et exposant les populations autochtones à de nouvelles influences. Parmi ces influences, c’est la culture indienne qui a le plus profondément enraciné ses traditions.
La culture indienne a exercé une grande influence dans de nombreux domaines, tels que la religion (hindouisme et bouddhisme), le droit, la théorie politique, la science et l’écriture. Au fil des siècles, les États existants de la région ont progressivement adopté ces éléments culturels indiens, contribuant ainsi à la formation d’une société et d’une civilisation unifiées.
La période pré-Angkor : Funan et Chenla
Au cours de la période pré-Angkor, plusieurs États princiers peuplent le Cambodge. Ils se disputent le territoire et s’affrontent pour étendre leur influence. Deux puissances principales dominent la région : Funan, centré sur le sud du Vietnam et le Cambodge, et Chenla, situé dans le nord du Cambodge.
Funan commence à décliner à partir du 6e siècle. Pendant ce temps, Chenla et le peuple Mon conquièrent les territoires de Funan. Cela marque le début de la période pré-Angkor.
Isanavarman I, dernier souverain d’un Chenla unifié, construit les temples pré-Angkoriens de Sambor Prei Kuk. Ils se situent près de la ville moderne de Kampong Thom. En voyageant de Phnom Penh à Siem Reap par la route, on peut faire un détour pour visiter ces ruines pré-Angkoriennes.
Après le règne d’Isanavarman I, Chenla se fragmente en de petits États en guerre. Un bref répit survient sous le règne de Jayavarman I au milieu du 7e siècle, mais l’unité s’effondre à nouveau après sa mort. Selon les récits traditionnels, Chenla se divise finalement en deux États ou alliances rivaux : « Land Chenla » dans le nord du Cambodge et le sud du Laos, et « Water Chenla », centré plus au sud à Kampong Thom.
Les rois d’Angkor : Jayavarman fondateur de l’ère angkorienne
Jayavarman II, prince khmer et guerrier, est reconnu comme le fondateur de l’ère angkorienne. Cette période signale le début d’un âge d’or pour l’empire khmer. Après avoir acquis des compétences à la cour royale de Java, il revient au Cambodge vers 790. Il a une mission claire : unifier les États fragmentés de la région. Grâce à des combats stratégiques et des alliances judicieuses, il réussit à établir en 802 un royaume du Kambuja unifié. Ce royaume est sous l’autorité d’un seul dirigeant. De là, naît l’idée de la « royauté universelle ». Les gens perçoivent le roi comme l’incarnation de Shiva, le dieu suprême du brahmanisme.
Pour renforcer sa légitimité et montrer son autorité, Jayavarman II réalise un rituel solennel sur le mont Kulen, au nord de Siem Reap. C’est à cet endroit qu’il instaure le culte du dieu-roi. Dans ce culte, il est vénéré comme une divinité incarnée. Ce culte royal devient une composante fondamentale de la culture et de la société khmères, symbolisant l’alliance entre le pouvoir politique et la religion.
Après avoir établi son autorité, Jayavarman II choisit Roluos comme première capitale de son royaume unifié. La ville est renommée Hariharalaya en l’honneur de la divinité combinée Shiva-Vishnu. Jayavarman II règne avec sagesse et vision pendant plusieurs décennies, jusqu’à sa mort en 850.
Le rayonnement d’Angkor : L’héritage architectural des successeurs de Jayavarman II
Son héritage se perpétue à travers les réalisations de ses successeurs. Sous le règne d’Indravarman III, fils d’Indravarman II, de nouveaux monuments et projets voient le jour. On construit le temple de Preah Ko, qui fait partie du complexe de Roluos, en l’honneur de Jayavarman II afin de souligner son statut divin. Indravarman III entreprend également la construction d’un vaste réservoir d’eau, connu sous le nom de Baray, qui devient un symbole de la puissance et de la grandeur de l’empire khmer.
La tradition de construction et de développement se poursuit avec Yasovarman I, fils d’Indravarman III. Jayavarman II crée le Baray oriental et fait ériger le temple de Lolei, dernier grand temple du complexe de Roluos, afin d’honorer son héritage. Yasovarman I fait également construire le temple de Phnom Bakheng, le premier grand temple de la région d’Angkor. Cependant, des conflits internes pour le trône obligent Yasovarman I à abandonner la capitale en ruines de Roluos et à déménager vers un nouveau site, Yasodharapura, à Angkor, en 893. Ce déménagement marque le début d’une ère nouvelle et prospère pour l’empire khmer. Angkor devient le centre politique et culturel pendant les cinq siècles à venir.
Les rois d’Angkor : L’apogée de l’empire khmer
La période post Jayavarman II, l’instigateur de l’ère angkorienne, a inauguré une ère de croissance et d’évolution pour Angkor. Les constructions de monuments significatifs par la cour royale ont témoigné de la montée en puissance de l’empire khmer. Les réalisations architecturales comprenaient des merveilles telles que Ta Keo, Banteay Srei, Baphuon et le Baray occidental. Les rois de cette époque se sont également illustrés par leur force militaire. La victoire de Rajendravarman sur les ennemis de Champa au Xe siècle en témoigne.
Suite à une instabilité politique, Suryavarman I s’est affirmé en tant que leader du royaume en 1010. Sous son autorité, les Khmers ont gagné des batailles significatives. Ils ont dominé l’Empire Mon à l’ouest, subjuguant ainsi une majeure partie de la Thaïlande actuelle. Ils ont aussi réaffirmé leur pouvoir sur le territoire de Funan à l’ouest. Suryavarman II, un siècle plus tard, a perpétué cette tradition victorieuse. Il a mené des campagnes réussies contre le Champa, l’adversaire traditionnel des Khmers, au centre et au sud du Vietnam.
Le déclin de l’empire angkorien : Conflits internes, rébellions et défaite
L’apogée politique et territorial de l’empire angkorien s’est produit au début du XIIe siècle, sous le règne de Suryavarman II. C’est à ce moment que la construction d’Angkor Wat, un monument d’une architecture époustouflante, a commencé. Ce temple majestueux, reconnu comme le plus grand édifice religieux du monde, aurait pu être le temple d’état de Suryavarman II ou son temple funéraire. Les bas-reliefs du mur sud d’Angkor Wat dépeignent en détail les campagnes militaires étendues menées par Suryavarman II contre le Champa.
Cependant, vers la fin du XIIe siècle, l’empire khmer connaît des difficultés. Des conflits internes, des rébellions dans les provinces et des campagnes militaires infructueuses contre les Vietnamiens affaiblissent progressivement le royaume. En 1165, une période de turbulences voit les princes khmers et les Chams conspirer et se battre tantôt ensemble, tantôt les uns contre les autres. C’est durant cette période qu’un usurpateur du nom de Tribhuvanadityavarman s’empare du pouvoir à Angkor.
En 1177, les Khmers subissent l’une de leurs pires défaites face aux Chams. Alliés à certaines factions khmères, les Chams lancent une attaque navale puis terrestre contre Angkor. La ville est alors assiégée, incendiée et finalement occupée par le peuple Cham. Cette défaite marque un tournant majeur dans l’histoire de l’empire khmer et entraîne une période de déclin et de fragmentation politique.
Les rois d’Angkor : Jayavarman VII le légendaire
Les Chams ont dominé Angkor durant quatre ans. Puis, Jayavarman VII, figure emblématique de l’histoire khmère, a mené des contre-offensives pour reprendre la cité. Ces batailles ont duré des années. En 1181, toutefois, les Chams ont succombé et Jayavarman VII a été intronisé roi.
Le règne de Jayavarman VII a marqué une rupture significative avec les traditions passées. Il a instauré le bouddhisme mahayana en tant que religion d’État de l’empire khmer. Il a également lancé d’ambitieux projets de construction, érigeant d’impressionnants monuments à Angkor et dans ses environs.
La campagne de construction de Jayavarman VII a été fulgurante. En moins de 40 ans, des centaines de monuments ont vu le jour. Parmi ses plus célèbres réalisations figurent les visages de pierre du Bayon, un des temples les plus iconiques d’Angkor. Il a aussi construit Angkor Thom, la cité fortifiée qui fut la capitale de l’empire khmer, et les temples de Ta Prohm, Banteay Kdei et Preah Khan. Ce ne sont que quelques exemples parmi des centaines d’autres.
Les rois d’Angkor : Conquêtes militaires et fin de l’âge d’or de l’Empire khmer
En plus de ses exploits architecturaux, Jayavarman VII a mené des offensives militaires agressives contre le royaume du Champa. En 1190, il a capturé le roi cham et annexé l’intégralité de son territoire, étendant ainsi l’empire khmer jusqu’au sud du Vietnam.
L’immense campagne de construction de Jayavarman VII signe aussi la fin de l’âge d’or de l’empire khmer. Après sa mort en 1220, aucun autre grand monument n’a été érigé. Son successeur, Indravarman II, a tenté de poursuivre certaines des constructions initiées par Jayavarman VII, mais avec un succès limité.
Les rois d’Angkor : Jayavarman VIII Retour à l’hindouisme et fin de l’ère angkorienne
Après la période de construction monumentale, l’activité à Angkor a continué pendant de nombreuses années. Sous le règne de Jayavarman VIII à la fin du XIIIe siècle, l’hindouisme est revenu en force à Angkor et de nombreux monuments bouddhistes ont été défigurés. Les autorités ont retiré des milliers d’images de Bouddha et ont procédé à des transformations grossières pour les convertir en lingas hindous et en bodhisattvas. Des exemples de ces transformations peuvent encore être observés aujourd’hui au temple de Ta Prohm et à Preah Khan.
Jayavarman VIII a également construit le dernier monument brahmanique d’Angkor, la petite tour East Prasat Top à Angkor Thom. Après sa mort, le bouddhisme est revenu au Cambodge, mais sous une forme différente. Le bouddhisme Theravada a pris racine et est devenu la religion dominante au Cambodge jusqu’à nos jours.
Par la suite, Angkor a été confronté à des invasions répétées des Thaïlandais venant de l’ouest. Après un siège de 14 mois sur Angkor en 1431, le roi Ponhea Yat a déplacé la capitale d’Angkor à Phnom Penh en 1432 pour faciliter les échanges commerciaux en raison de la proximité du fleuve Mékong. Depuis lors, la capitale du Cambodge a déménagé plusieurs fois, d’abord à Lovek, puis à Oudong, avant de s’installer définitivement à Phnom Penh en 1866.
La fin des Rois d’Angkor
Indravarman III, successeur de Jayavarman VIII, a brièvement remis en place le bouddhisme mahayana avant de revenir à l’hindouisme. Durant son règne, il a initié des projets de construction mineurs, mais l’empire khmer a subi des conflits internes et une instabilité politique.
Jayavarman IX, roi sur lequel on dispose de peu d’informations, a marqué un déclin de l’empire khmer. Peu ou pas de grandes constructions ne sont attribuées à cette époque.
Jayavarman X a régné pendant une période de transition et de fragmentation de l’empire khmer. Des conflits internes et des luttes de pouvoir ont marqué son règne, tandis que l’empire khmer perdait de son unité.
Jayavarman XI, dernier roi à régner depuis Angkor, a tenté de consolider le pouvoir et de restaurer l’unité de l’empire. Cependant, il a dû faire face à des défis croissants, notamment les incursions des Siamois et d’autres royaumes voisins.
Déclin et fin de l’Empire khmer d’Angkor
Les Khmers d’Angkor ont progressivement abandonné l’empire au 14e siècle, marquant ainsi son déclin en tant que centre politique et religieux majeur. Les rois d’Angkor n’ont plus régné depuis cette période, marquant la fin de la période classique de l’histoire khmère.
Depuis lors, la capitale du Cambodge a déménagé plusieurs fois, d’abord à Lovek, puis à Oudong, avant de s’installer définitivement à Phnom Penh en 1866.
La découverte d’Angkor par les Occidentaux au XIXe siècle, notamment grâce au livre d’Henri Mouhot intitulé « Travels in Siam, Cambodge, Laos and Annam », a suscité un grand intérêt pour cette région du monde et a attiré les premiers touristes. Il est important de souligner que l’histoire de la civilisation khmère ne se limite pas à la période angkorienne. Angkor ne représente qu’une partie de la richesse et de la grandeur de l’art khmer.